La Réflexologie plantaire à destination des praticiens de Shiatsu : ponts et complémentarités.
Par Jean-Marc Weill, professeur à l’UFPST

Je suis né dans le soin. Fils, petit-fils et neveu de médecins hospitaliers d’une grande humanité, j’ai, après ma majorité, cherché à m’éloigner de ce monde familial. Cependant, après vingt ans de quête personnelle, la fibre du « prendre soin » s’est imposée à nouveau, comme une évidence, comme si transmise par les gènes.

Il était trop tard pour envisager une formation longue dans le domaine médical occidental. Attiré depuis toujours par la sagesse orientale, ma vie a pris un tournant décisif lors d’un séjour de trois semaines au Japon, à la fin des années 1970. Vingt ans plus tard, il était devenu évident que ma voie serait celle du Shiatsu.

Formé par André Nahum, Wataru Ohashi, le Dr Jian Liujun (au Centre Quimétao) et Laurent Turlin en médecine chinoise, j’ai également découvert les bases de l’Ayurvéda avec le Dr Gensham Marda, consultant scientifique au Spa des Cinq Mondes. Depuis plus de vingt ans, je pratique et enseigne le Shiatsu, et depuis dix ans, j’intègre la Réflexologie plantaire et palmaire comme un complément naturel au Shiatsu.

Mais aujourd’hui, il est temps de parler moins de moi et de répondre à une question essentielle : pourquoi l’apprentissage de la Réflexologie plantaire pourrait-il être un atout pour le praticien de Shiatsu ? Et surtout, quelle approche de la Réflexologie plantaire est la plus pertinente?

Avant d’y répondre, une brève synthèse historique de la Réflexologie plantaire nous permettra de mieux comprendre ses liens avec notre pratique.

Brève histoire de la Réflexologie plantaire

« Qui de la poule ou de l’œuf est arrivé en premier ? » Les ouvrages sur le sujet affirment souvent que la Réflexologie plantaire a émergé en Occident sans lien avec des traditions orientales – une thèse que l’on peut discuter. Mais au-delà de cette question, l’essentiel est de voir comment l’Occident et l’Orient peuvent se nourrir mutuellement pour rendre le « soin de l’autre » plus efficace.

La Réflexologie plantaire en Occident

La Réflexologie est devenue populaire dans les cultures occidentales au XXe siècle, en grande partie grâce à deux figures majeures. En 1902, le Dr Fitzgerald, médecin à l’hôpital de Boston, proposa la théorie des « zones » traversant le corps. Il émit l’idée que chaque zone du corps pouvait être influencée par une stimulation réflexe correspondante, une théorie qu’il détailla en 1917.

Dans les années 1930, Eunice Ingham, après avoir étudié les travaux de Fitzgerald, décida d’adopter une approche plus ciblée en utilisant les pieds. Les pieds, riches de plus de 7 000 terminaisons nerveuses, seraient les outils les plus efficaces pour appliquer cette méthode, qu’elle appela Réflexologie plantaire. Son travail reste la méthode la plus répandue aujourd’hui.

La Réflexologie plantaire en Orient

Le développement de la Réflexologie plantaire en Orient remonte à environ 4 000 ans, sous l’Empire de l’Empereur Hwang, dans le cadre de la médecine traditionnelle chinoise. Des traces de cette pratique apparaissent dès la période Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.), avec le médecin Hwa Tua, qui appelait son approche « Hua Tus Mi Ji » ou « Le tao du centre du pied ». Plus tard, un moine japonais, Tai Tien Chic Shao, introduisit la pratique de la Réflexologie au Japon durant la dynastie Tang.

Aujourd’hui, c’est la Réflexologie plantaire occidentale qui s’est répandue en Chine et au Japon. Cependant, plusieurs autres pratiques orientales, comme celles de l’Ayurveda, de la Thaïlande ou du Vietnam, mériteraient également une attention particulière.

La Réflexologie plantaire des Empereurs : l’approche japonaise

L’approche japonaise de la Réflexologie plantaire, ou Sokushindo, a été introduite par Kazumichi Shibata Sensei en 1929. Le terme Sokushindo se compose de trois éléments : « Soku » (pied), « Shin » (cœur) et « Do » (voie), signifiant « la voie de l’Esprit du pied». Cette méthode manuelle repose sur les principes de la médecine orientale japonaise, les méridiens et l’Anma.

Un événement marquant dans la vie de Shibata fut sa rencontre avec l’empereur Hirohito, qu’il réussit à soigner de son diabète, ce qui lui valut une grande renommée et l’invitation à la cour impériale. Cette rencontre symbolise l’importance de la méthode et sa reconnaissance au plus haut niveau.

L’intérêt pour le praticien de Shiatsu

Les praticiens de Shiatsu peuvent se demander si l’apprentissage de la Réflexologie plantaire est vraiment nécessaire. Le Shiatsu ne se suffit-il pas à lui-même ? Bien sûr, le Shiatsu est une thérapie complète, mais ajouter une corde supplémentaire à son arc, comme la Réflexologie, peut enrichir la pratique.

Les praticiens de Shiatsu sont déjà formés à l’observation et à la palpation, à la lecture des zones du visage et du corps (notamment le Hara, le dos, le visage). Nous sommes donc bien préparés à intégrer cette nouvelle approche. De plus, le travail sur les pieds et ses méridiens est déjà une composante naturelle du Shiatsu. En apprenant la Réflexologie, nous pourrons affiner notre diagnostic et affiner notre traitement, qu’il s’agisse d’intégrer des moments de Réflexologie dans nos séances de Shiatsu ou de réaliser des séances complètes de Réflexologie.

La Réflexologie plantaire de style japonais : un choix pertinent

La formation que je propose aux praticiens de Shiatsu, comme celle proposée à l’EST à l’invitation de Bernard Bouheret, est résolument d’essence japonaise.

Nous pratiquons la Réflexologie sur futon, permettant ainsi de maintenir l’essence du Shiatsu, en travaillant dans le mouvement naturel du Hara, ce qui est moins évident lorsque l’on est assis à une table de massage (ce qui n’est bien sur pas interdit, si besoin).

L’utilisation des mains est également essentielle : la main « mère », soutenant et écoutant, se coordonne avec la main « messagère », intervenant dans le diagnostic et le traitement des zones Kyo et Jitsu.

Les apports de la médecine orientale dans la Réflexologie

L’intégration des concepts de la médecine orientale, comme les théories du Yin/Yang et des méridiens, est indispensable pour enrichir la pratique de la Réflexologie plantaire. En observant les anomalies des méridiens et des Tsubo, nous pouvons mieux orienter nos traitements, en particulier sur des points spécifiques liés à des troubles chroniques, comme par exemple les céphalées, les syndromes d’obstruction douloureuse ou les vertiges.

Bibliographie :

• Mireille Meunier, Manuel approfondi de réflexologie plantaire, Trédaniel
• Estivill, Emilio. Centre Qimen, éd. Sokushindo : la réflexologie des empereurs
• Maciocia, Les fondements de médecine chinoise, éd. Satas
• Maciocia, La pratique de la médecine chinoise, éd. Satas
• Faure-Alderson M. Réflexologie thérapie totale, Éditions Trédaniel
• Sun Wei. Massage chinois réflexologie plantaire, Éditions You Feng
• Ampuku : Abdominal Acupressure. The classics at the heart of Japanese bodywork, Philippe Vandenabeele, Éditions Shinzui Bodywork International Institute, Fukuoka
• Atlante di reflessologia plantare, Orlando Volpe, éd. Red !