Le Shiatsu : un soin de support pour la maladie dépressive
En plus de vingt ans de pratique du Shiatsu, j’ai régulièrement accompagné des personnes en souffrance dépressive. Ces accompagnements se sont toujours inscrits dans une démarche complémentaire à un suivi médical ou psychiatrique, et avec l’accord explicite du professionnel de santé en charge.
Je le rappelle systématiquement : le Shiatsu ne remplace en aucun cas un traitement médical. Il s’agit d’un soin de support, qui peut contribuer au mieux-être du client lorsqu’il est pratiqué avec justesse, sur demande de la personne concernée et dans le respect du cadre défini par le corps médical.
Trouver la bonne posture : la clé d’un accompagnement juste
Ce soutien ne peut porter ses fruits que si le praticien adopte une posture d’accueil véritable. Celle-ci repose sur la bienveillance, le non-jugement et une présence humaine pleine et entière. Pour ma part, j’ai affiné cette qualité de présence grâce à l’étude et la pratique de la phénoménologie, notamment en suivant et utilisant les travaux d’Edmund Husserl et de Ludwig Binswanger.
Cela peut paraître paradoxal : comment conjuguer un art du soin japonais, issu de la tradition orientale, avec une approche philosophique et psychiatrique occidentale du XXe siècle ? Ce mélange, en réalité, m’a permis de créer une approche cohérente et profondément humaine. Si j’ai été fasciné par l’enseignement d’un maître japonais avec qui j’ai travaillé pendant quelques années, je dois reconnaître que certaines dimensions culturelles restaient pour moi difficilement accessibles. J’ai donc trouvé ma propre voie en m’appuyant sur des références plus proches de mon vécu, sans jamais perdre de vue l’essence du Shiatsu : la justesse et la présence dans la relation par le toucher proposées par la culture japonaise.
Connaître la maladie pour mieux accompagner le client
Outre cette posture humaine, l’accompagnement en Shiatsu de clients souffrant de dépression nécessite une connaissance minimale mais sérieuse de la pathologie. Cela ne signifie pas devenir médecin, mais cultiver l’humilité de l’apprenant : lire, se former, comprendre les grandes lignes de l’étiologie, les symptômes, les troubles associés.
Ignorer ces bases serait, à mes yeux, manquer de respect à la fois envers la personne qui me vient en séance et envers le professionnel de santé qui m’a adressé son patient.
Adapter la pratique : un travail qui passe aussi par la parole
Cette compréhension de la dépression m’a aussi amené à adapter ma pratique. Le Shiatsu, en général, se déroule dans le silence. Ce silence favorise un état de conscience modifiée, un espace intérieur propice au relâchement et aux phénomènes qui apparaissent dans la conscience. Mais pour les personnes dépressives, ce silence peut parfois devenir oppressant, voire douloureux.
C’est pourquoi j’ai pris l’habitude d’instaurer un échange verbal régulier pendant la séance, quand cela est nécessaire. Il ne s’agit bien sûr pas de thérapie verbale, mais de permettre à la personne de verbaliser ses sensations, ses pensées, surtout lorsqu’elles deviennent trop envahissantes. Ce dialogue, même simple, peut alléger le vécu émotionnel et sécuriser le client.
Le Shiatsu, un dialogue subtil – parfois silencieux, parfois parlé
Le Shiatsu est, fondamentalement, un dialogue non verbal entre deux êtres. Le toucher devient langage : rythme, profondeur, pressions sur les méridiens et les Tsubo (points d’acupuncture), tout cela s’ajuste à la réalité du receveur.
Dans le cas spécifique de la dépression, j’introduis donc la parole comme un soutien supplémentaire à ce dialogue corporel, lorsque le silence devient un poids.
Entre traditions et modernité : une approche intégrative
Il serait difficile ici d’expliquer en détail les fondements théoriques du Shiatsu, fruit de plus de 3 000 ans d’évolution. Du « Classique interne de l’Empereur Jaune », rédigé entre 475 et 221 av. J.-C., à la pensée de Shizuto Masunaga, qui a complètement enrichi et transformé la vision théorique et la pratique entre 1960 et 1980, les sources sont vastes et multiples.
Chaque praticien, en général, s’inscrit dans un style particulier, qu’il adapte avec le temps. Pour ma part, je puise à la fois dans la théorie traditionnelle, qui parle par exemple de stagnation du Qi du Foie (Yu Zheng en chinois) comme origine de la dépression (ce n’est que le début d’une approche riche et variée), et dans l’approche plus contemporaine de Masunaga. Ce dernier, formé à la psychologie, a su faire le lien entre les savoirs orientaux et une compréhension moderne de la psyché humaine. J’y consacrerai d’ailleurs plusieurs articles dans ce blog.
En conclusion : rester à sa juste place
Accompagner une personne dépressive en Shiatsu est un acte de présence plus que de technique. C’est une rencontre humaine singulière, un espace de soutien où le corps peut redevenir un lieu d’apaisement.
Mais cela n’est possible que si le praticien reste dans son champ de compétence, en complément du travail principal mené par les professionnels de santé. C’est cette alliance respectueuse, humble et profondément humaine qui, selon moi, fait toute la richesse de cet accompagnement.
En plus de vingt ans de pratique du Shiatsu, j’ai régulièrement accompagné des personnes en souffrance dépressive. Ces accompagnements se sont toujours inscrits dans une démarche complémentaire à un suivi médical ou psychiatrique, et avec l’accord explicite du professionnel de santé en charge.